20.9.14

Mes origines : une affaire d'État, de Audrey Kermalvezen


Genre : essai et documentaire
Nombre de pages : 364
Édition : Max Milo

Quatrième de couverture : Audrey Kermalvezen apprend à 29 ans qu'elle et son frère sont nés grâce à un don de sperme. Ils sont 70 000 en France dans leur cas. La majorité d'entre eux l'ignorent.
Des questions la hantent : son frère et elle ont-ils le même géniteur ? A-t-elle déjà croisé des demi-frères et sœurs inconnus ? A-t-elle un risque de consanguinité avec son mari, lui-même issu d'un don ? Autant d'interrogations qui se heurtent à la protection de l'anonymat des donneurs.
Commence alors une véritable enquête : qui sont les donneurs de sperme ? Pourquoi l'État interdit-il l'accès à leurs origines aux enfants concernés ? Les donneurs veulent-ils tous rester anonymes ? Pratiques archaïques dans les institutions officielles, serials donneurs, non-respect des lois... L'auteur dresse un état des lieux accablant pour l'État et une partie du corps médical.
A la fois document et témoignage, ce livre appelle à la reconnaissance et au respect des droits des enfants conçus par dons.

Mon avis : Voilà quelques mois que ce livre me faisait envie. Étant moi-même issue d'un don de gamètes, je suis très satisfaite par cet ouvrage, qui aborde tous les sujets qui entourent ces dons. L'auteure prend évidemment parti, mais de façon plus que réfléchie et maîtrisée ; en tant qu'avocate en droit de la bioéthique, elle a mené à bien une enquête de plusieurs mois (remuant en réalité une sorte d'immense fosse à purin) qui s'est soldée par quelques procès et malheureusement aucun gain de cause pour les enfants de dons que nous sommes.
L'accès à nos origines nous est totalement interdit, la loi française allant pourtant alors à l'encontre de la Constitution européenne ; des dizaines de milliers de gamètes sont stockées, depuis une quarantaine d'années pour certaines, et les demandeurs d'insémination doivent pourtant attendre plusieurs années, soit-disant qu'on est en pénurie ; quand bien même on nous autoriserait l'accès à des données sur nos géniteurs, il y a des risques qu'elles restent introuvables, les dossiers n'étant peut-être même pas constitués ; et en attendant, on nous prend pour des névrosés si on entame des recherches, on nous oriente vers des psychologues pour entendre dire qu'on n'a pas besoin de connaître cette moitié biologique de nous-mêmes, et surtout, on ne nous dit rien. 
Combien y a-t-il encore d'enfants de dons qui ne savent même pas de quoi, et jamais de qui, ils sont le fruit ? Tout est mis en œuvre depuis le début pour que le secret soit bien gardé ; non seulement on prend des gamètes de donneurs qui ont les caractéristiques physiques et sanguines du père qui nous élèvera, afin que même par hasard on ne découvre pas le pot-aux-roses, mais on n'incite pas non plus les futurs parents à dire la vérité à leurs enfants. Et d'après le "merdier" que Audrey Kermalvezen a partiellement mis à jour en allant réclamer des chiffres, des informations, on comprend qu'ils veuillent que ça reste planqué.
Avec Qwenn, on s'était dit que si on devait faire appel à ce genre de don, on demanderait à ce que je reçoive les gamètes d'un donneur de couleur, ou asiatique peut-être ; en tout cas, que l'enfant à naître sache qu'il n'était pas biologiquement le fils de Qwenn. Que les gens le sachent aussi, et sachent par quel biais il aurait été conçu. Et, bien évidemment, nous lui aurions dit dès ses premières années, de façon imagée bien sûr au début, qu'un homme inconnu nous avait fait cadeau d'une partie de lui... Mais aurions-nous eu le droit de faire ce choix ? Je veux dire, de choisir les gènes d'un donneur qui n'aurait rien à voir physiquement avec Qwenn ? Après la lecture de Mes origines : une affaire d'État, j'en doute grandement... Et si ça avait été refusé, qui aurait pu me dire que les gamètes qui m'auraient fécondées n'étaient pas les mêmes que celles qui avaient déjà fécondé ma mère ? D'après les dires des CECOS (Centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme) ça ne pourrait pas arriver ; mais j'ai été "mise en route" en 1990, et la loi qui a ratifié les principes actuels n'a été clairement établie qu'en 1994. Alors si, ça aurait pu arriver. Et je vous jure que l'idée est juste flippante. Et un don de cette sorte, aussi important dans la vie des parents que des enfants, ne devrait absolument pas être si effrayant.
Je pourrais vous parler de tout ça pendant des heures ; j'étais déjà assez intarissable sur le sujet avant de lire ce bouquin, maintenant c'est encore pire. Et bien évidemment, je vous conseille grandement de le lire, que vous soyez ou non enfant de don, parent, ou simplement ami de personnes concernées, ou simplement si vous êtes intéressés par ce grand tabou.

2 commentaires:

  1. Je peux aisément comprendre pourquoi il s'agit d'un sujet tabou. À vrai dire je ne savais pas qu'il y avait autant de dons en France et les maigres références dont je dispose à ce sujet sont des films du style Starbuck.

    Je ne pensais pas non plus que c'était aussi... sordide. Je ne parle pas de l'acte ou du don en lui-même mais des stocks, des prétendues pénuries etc... Mon cerveau enchaîne des hypothèses vraiment bizarres à ce sujet. Du coup je vais peut-être me procurer le bouquin pour en savoir d'avantage. Est-ce que le livre est sérieux ? (Je veux dire par là, est-ce qu'il fait dans le grandiloquent ou s'avère-t-il bien documenté malgré tout ?)

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    1. Non, le livre est bien documenté, autant que faire se peut à mon avis. Si tu penses être assez patiente, je pourrai te l'envoyer une fois que ma belle-mère y aura jeté un coup d’œil, en même temps que Le Mariage de Chiffon !
      Ceci dit, évidemment des hypothèses sont émises par l'auteure quant à tout ce qu'il y a de tordu autour de ces dons et des stocks, mais aucune ne peut être vérifiée ; ils font tout pour pas que ça n'arrive.

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